Les
animaux
en
folie
Un conte à vingt-quatre mains
au Centre Social de Pierre-Bénite,
Graine de Vie
Une
histoire composée en décembre 2016 et illustrée en janvier 2017,
grâce au temps après l’école et au soutien énergique des
animateurs ;
Nos
sincères remerciements à Amar, responsable du Pôle Jeunesse et à
Grégory, Directeur de Graine de Vie pour leur bon accueil ;
Notre
gratitude aux jeunes écrivains, pour leur générosité et leur
vitalité :
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Asma
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Enès
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Ilan
-
Inès
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Lilya
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Mehmet
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Mohamed
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Talaf
-
Yasmine
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Sara
-
Djiane
-
Medhi
Chapitre I
Blanc comme un yaourt
Il était
une fois un zèbre qui cuisinait en Algérie. Il s’appelait Zoulou.
C’était un cuisinier pour les tigres, les lions et les jaguars,
bref, pour les animaux qui mangeaient de la viande et qui n’aimaient
pas les plats dégoûtants. Car ce qui est dégoûtant n’est pas
bon pour les gens, c’est comme des épinards, oui, des épinards de
mer !!! Lui, ce qu’il aimait le plus, c’était les œufs. Il
allait les ramasser dans le poulailler, car vous savez, en Algérie,
il y a des poules toutes blanches, blanches comme des œufs en neige.
Et avec les œufs, on peut faire tout un tas de recettes : des
œufs brouillés et des omelettes, des sauces liées et des œufs
durs en salade, des gâteaux et des crèmes anglaises. Bref, je ne
vais pas tout vous raconter mais ce qui est sûr, c’est qu’avec
des œufs, on est sûr d’avoir du succès. Notre zèbre cuisinait
et cuisinait tant et si bien qu’on aurait dit qu’il avait dix
pattes. Et pourtant, comme un grand nombre d’animaux, c’était
bien un zèbre à quatre pattes !
Voilà
donc notre zèbre cuisinier qui servait ses repas à tous les fauves
de France. Il était très connu pour ses talents extraordinaires et
très demandé aussi. Il préparait à merveille les takos aux frites
et au fromage, les kebabs à la paille, les pizzas-paëllas au
chocolat, les spaghettis-tomate, et autres hamburgers-charchuras. Un
beau jour, il lui arriva cependant une drôle d’histoire. C’était
le jour où le lion allait partir en voyage sur son tapis volant. Le
Roi des animaux en folie fêtait son départ pour la Côte d’Ivoire,
la Cine et l’Italie. C’est pour cela qu’il avait réuni ses
meilleurs amis et demandé à notre célèbre Zèbre de cuisiner.
Zoulou avait préparé son fameux Tajine
au poulet rôti
et l’emportait fièrement à ses clients quand un des fauves de
l’assemblée se leva et clama devant toute la tablée :
« Qu’y
a-t-il dans ce plat ?
-
De la tomate, Messire le Tigre, trembla le pauvre cuisinier.
-
De la tomate ? Et encore ? renchérit le tigre.
-
De la coriandre et de l’harissa, sussura le zèbre en tremblant car il commençait à avoir un peu peur que son convive ne le dévore tout cru !
-
De l’harissa, ça va, rugit le fauve. Mais encore ?
-
De la bonne viande de poulet, continua Zoulou, de poules et de chapons …
-
Ha, ha ! Juste à l’odeur, je le sentais bien ! Mon nez ne m’a pas trompé. Alors, sachez, maître Cuisinier, que je ne mangerai rien de votre fameux mets !
-
Ah bon ? Et pourquoi donc ?
-
C’est comme ça, foi de Biaco !
Sur
ces mots, le superbe animal se drapa dans son manteau et, d’un air
royal, quitta la tablée stupéfaite. Toute l’assemblée en resta
bouche bée. C’était un tigre blanc, nommé Biaco
qui ne mangeait que du yaourt. « Miam, miam », disait-il
en dégustant son dessert lacté, car il avait faim, comme les
autres. Pourtant, il n’appréciait rien autant que le yaourt. De
plus, il n’aimait pas la viande : il était devenu végétarien
car les végétariens ne mangent pas de viande. Devant une belle
escalope saignante, il disait : « Berk ! S’il
vous plait, donnez-moi du camembert à la place de ce steak ! »
Il aimait bien le fromage et il détestait les saucisses. C’est
pour ça qu’on le distinguait des autres tigres. Il avait aussi un
drôle de métier ; il était collectionneur de colibris, ce qui
est très rare. Il n’attrapait pas les petits oiseaux pour les
manger, ah ça non, mais pour les relâcher dans un espace protégé.
Il chassait toujours en fredonnant sa chanson préférée :
Biaco
allait bien
Mais
en chemin,
Il
croisa le lapin
Qui
lui bloqua le chemin
Pour
sauver le colibri
Riquiqui !!!
Voilà
donc sa chanson. Si jamais vous l’entendez fredonner, c’est que
notre Tigre n’est pas loin !
Donc,
tous les jours, il partait autour du monde pour accomplir sa mission.
S’il croisait un colibri, il le protégeait ; s’il croisait
un lapin, il le sauvait des autres tigres ; s’il croisait un
moucheron, il lui épargnait la tapette. Vous savez maintenant qu’il
avait vraiment un cœur d’or sous son beau pelage de neige !
Il mangeait le soir et dormait bien la nuit, pour être en forme le
lendemain matin et c’est comme ça qu’il avait rencontré notre
ami le zèbre et sa tablée de tigres. Grâce au yaourt et aux
produits laitiers, il était devenu gentil, on pourrait même dire :
« Doux comme un agneau ». Grâce au yaourt et aux
produits laitiers, il était devenu plus blanc que ses compères. Il
aimait cette couleur. Il était d’un blanc pur et éblouissant.
Ce
soir-là, donc, il se leva de table avant même de commencer à
manger. Notre ami cuisinier, Zoulou
le Zèbre,
se lança à sa poursuite. Comme les autres tigres lui avaient
raconté l’histoire de Biaco, il était bien assuré de n’être
pas mangé. Alors, il voulait le rattraper pour devenir son ami. En
tant que zèbre, il avait lui aussi envie de voyager de par le monde.
Il n’allait pas rester toute sa vie à cuisiner, quand même !
Chapitre II
Le centre social de Pierre-Bénite
Dans
la petite ville de Pierre-Bénite, en plein cœur de la commune, il y
a une petite maison jaune comme le soleil et pointue comme un
hérisson. C’est là que les habitants peuvent venir lire, jouer,
s’inscrire aux activités et surtout faire leurs devoirs. Car pour
les enfants, c’est important, les devoirs. C’est en apprenant
bien ses leçons qu’on devient plus grand et plus intelligent. Par
exemple, c’est au centre social de Pierre-Bénite qu’on raconte
l’histoire d’un petit garçon qui élevait des poules dans son
jardin, jouait au football et surtout venait régulièrement
travailler à l’aide aux devoirs du Centre Social. Ce petit garçon
est vraiment devenu un exemple pour tous ses camarades de classe et
de la cité des Hautes-Roches. Figurez-vous que, comme il posait
toujours des questions aux animateurs et comme il répondait toujours
aux questions de la maîtresse avec une grande application, il s’est
mis à avoir de bonnes notes à l’école. Ses parents étaient
fiers de lui et le laissèrent s’inscrire dans l’équipe de
football de l’Union Sportive de Pierre-Bénite, l’USMPB section
foot. Le soir, il allait jouer mais seulement après ses devoirs. Il
réussit tellement bien qu’il devint un joueur mondialement connu.
Mais il n’arrêta pas ses études pour autant. Il passa son bac
pro, qu’il réussit du premier coup, et poursuivit ses études en
plus de jouer au football. Ensuite, il participa à la construction
du nouveau stade Bernabeu, et devint même pilote d’avion
professionnel.
Tous
ses succès étaient une chance pour la ville de Pierre-Bénite.
Grâce à lui, on en parlait dans le monde entier comme de la plus
belle ville de France ! De nombreux touristes se rendirent sur
place pour visiter le Centre Social. Mais lui, le petit garçon né
dans le quartier, resta fidèle à ses amis. Parmi les voyageurs
qu’il embarquait dans son avion entre la France et la Thaïlande,
il laissait toujours une place pour ses amis du Centre Social. On
peut dire que c’est comme ça qu’il les fit monter à bord et
tout le monde visita la Thaïlande et l’Australie avant de revenir
en France. Cette histoire-là fait plaisir ; c’est pourquoi si vous
allez à Graine de Vie, vous en entendrez sûrement parler.
Mais
à l’aide aux devoirs, il n’y a pas que de futurs joueurs de
football professionnels qui viennent travailler. Il y a aussi de
drôles d’oiseaux. Par exemple, le petit cousin du phoenix, qui
s’appelait
FIFI. A
vrai dire, Fifi venait d’Angleterre et il était complètement fou
et difficile à gérer surtout. Ce n’était pas un très bon
exemple. Mais quand même, il était très curieux et ce qui
l’intéressait dans la vie, c’était d’apprendre des choses
nouvelles et comme vous le savez sans doute, les oiseaux ne peuvent
pas aller à l’école. Alors, il était obligé de venir picorer
des graines de savoir au Centre Social. C’était le seul endroit où
il était bien accueilli. Il faut dire que sa vie était assez
compliquée. En tant que petit cousin du Phoenix, il se consumait
sans cesse et redevenait vivant tout de suite après. Impossible de
savoir sur quel pied danser avec lui ! Le lundi, il voyageait en
sautant jusqu’au Maroc, puis sautillait en Algérie avant de
revenir en France pour faire ses devoirs. Il mourait et il revivait
le mardi en allant d’abord à l’aide aux devoirs en Angleterre
puis à Pierre-Bénite. Il mourrait le soir et ressuscitait le
lendemain. Le mercredi, il passait ses examens – D’ailleurs,
c’est ainsi qu’il réussit son baccalauréat. Le jeudi, on ne le
voyait pas et le vendredi, il fêtait son anniversaire. Il
prétendait avoir au moins 100 ans mais personne ne savait s’il
fallait le croire. Ce qui ne l’empêchait pas le samedi, de se
remettre à sauter.
Comme
vous le voyez, les profils des adhérents au Centre Social étaient
très différents. Tout le monde vivait ensemble dans une bonne
ambiance et en bonne entente. C’est là qu’est arrivé Gilou, un
petit garçon très attachant. Lui, il adorait jouer aux cartes. Il
connaissait plusieurs jeux et il gagnait tout le temps, surtout à
UNO d’ailleurs. La règle est très simple. On distribue sept
cartes à chaque joueur, le restant sert de pioche au milieu de la
table. On retourne la première carte et le plus jeune commence. A
son tour, chacun joue une de ses cartes selon un point commun :
soit la couleur, soit la valeur. Par exemple, sur un 2 vert, on peut
poser un 2 bleu, jaune ou rouge, ou même vert encore, car il y en a
plusieurs, ou bien on peut jouer n’importe quelle carte verte.
L’objectif est de se débarrasser de toutes ses cartes. Mais
attention, en posant son avant-dernière carte, le joueur doit
annoncer « Uno », sinon, un autre l’obligera à en
piocher deux supplémentaires en criant : « ContrUno ! »
Du coup, il faut bien faire attention à son propre jeu mais aussi à
celui de tous les autres joueurs !
Gilou
était très fort à ce jeu et son partenaire préféré était… un
aigle ! Vous avez bien lu ! Un aigle qui jouait aux cartes.
Il s’appelait Igor
et
il était assez terrible, en particulier son regard ; Quand il
perdait, il vous jetait un regard noir à vous paralyser sur place.
Mais Gilou n’avait pas peur. Surtout que la plupart du temps,
c’était l’aigle qui l’emportait car il avait toutes les bonnes
cartes. Alors Gilou n’avait pas trop de chances de gagner. Ce
matin-là, la partie s’annonçait comme à l’habitude. Igor avait
la meilleure carte : le 10 et Gilou avait une petite carte :
le 6 ! Mais cette fois-ci, quand l’aigle a gagné, il l’a
emporté tout là-haut dans le ciel, par-delà les montagnes,
par-delà l’horizon et ils ont disparu tous les deux.
Chapitre III
un deux trois Quatre !
La
disparition de Gilou fit grand bruit à Pierre-Bénite. Tout le
Centre Social était sens dessus dessous, semant les questions aux
quatre vents : « Mais comment est-ce possible ?
Est-ce que quelqu’un a vu la partie ? Qui aurait pu savoir ? »
Les mamans se lamentaient et gardaient leurs enfants enfermés à la
maison, les papas se mettaient en colére et préparaient une
expédition de recherche et la famille de Gilou passait à la
télévision, aux informations locales, nationales et régionales
pour lancer un avis de recherche de leur fils. On sait bien que les
grands animaux mangent les petits animaux, c’est la loi de la
nature. Mais manger les gens, ce n’est pas bien ! Toutes les
polices se lancèrent à la chasse à l’aigle carnassier.
Pendant
ce temps, Zoulou le Zèbre et Biaco le Tigre avaient fait
connaissance et échangé leurs bonnes idées. Ils étaient même
devenus tellement amis qu’ils décidèrent de partir en voyage
autour du monde, tous les deux, pour continuer à cuisiner et à
protéger les oiseaux de la Terre entière. C’est bien vrai qu’à
deux, on est plus forts. Les voilà partis en direction de l’Italie.
A
peine se sont-ils mis en route qu’ils aperçoivent au-dessus de
leur tête un bolide, chargé d’un drôle de paquet qui descend en
piqué pour un atterrissage un peu raté.
« Désolé,
dit Igor, en aidant Gilou à se relever. J’ai un peu manqué ma
décélération.
-
Pas grave, dit Gilou, en se remettant debout, je n’ai rien de cassé.
-
Saperlipopette, dit Zoulou, vous atterrissez souvent comme ça ?
-
Pour un oiseau de votre envergure, je connais une bonne école de pilotage », ajouta Biaco.
Nos
quatre amis démarrèrent alors une grande conversation. Fifi et
Gilou parlèrent de leur passion pour les jeux de cartes, Biaco
raconta son métier de sauveteur de colibris végétarien et Zoulou
organisa derechef une grande fête avec un beau repas,
essentiellement composé de yaourt, de fruits et de légumes. Il
imagina tout spécialement une pièce montée avec des petits choux à
la crème en forme de petits oiseaux et deux cartes au sommet :
un 10 et un 6.
Pendant
quelques jours, ils rêvèrent de beaux projets. A quatre, ils
pourraient s’entraider et réussir avec facilité tout ce qu’ils
entreprendraient. Ils pourraient écrire
un livre, jouer au football, voyager au Maroc, etc.
Zoulou
réalisa son rêve le premier. Il avait décidé de partir autour du
monde et de devenir un grand footballeur. Comme il était très fort
comme gardien de but, il avait choisi l’équipe du Real de Madrid.
Imaginez tout de même : si pour un cuisinier, ce n’est pas
facile, pour un zèbre, c’est encore plus difficile ! Mais
grâce à son calme, il se fit vite de nouveaux camarades à
l’entraînement et il intégra rapidement une des neuf équipes du
club, en disant :
« S’il
vous plaît, intégrez-moi dans les seniors et vous ne serez pas
déçus ! »
Vous
n’avez jamais vu un zèbre jouer au foot, mais croyez-moi, Zoulou
est le meilleur de tous !
Quant
à Biaco, il choisit de monter sur scène. Il se mit à chanter du
rap, avec sa belle voix grave qui le rendit célèbre. Ses concerts
étaient remplis. Il avait tellement d’énergie qu’il sautait de
scène dans les bras de ses fans. Mais chanter « Wesh alors !
Wesh alors ! Wesh alors ! Sors ta cross dans le quartier »
finit par l’ennuyer. Et il rejoignit l’équipe des Galactiques de
Madrid. Cristiano, Marcelo, Ramos, Navas : les meilleurs joueurs
d’Espagne devinrent ses amis. Quand Biaco prenait le ballon, on
était sûr qu’il y aurait de l’action. Qu’il y ait match nul
ou encore 1-0 ou même un but d’avance, le public était toujours
gagnant, tellement il appréciait les matchs où Biaco se donnait à
fond. Et c’était la même chose pour Zoulou.
Et
Gilou ? Et Igor, me direz-vous ? Quels étaient leurs
projets ? Ont-ils réussi dans la vie ?
Pour
le savoir, c’est facile, chers amis. Vous n’avez qu’à nous
rendre visite au Centre Social Graine de Vie. C’est là qu’on
vous racontera la suite de leurs aventures !